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23 janvier 2010 6 23 /01 /janvier /2010 22:59

Voici un petit texte écrit lors de la dernière séance d'atelier d'écriture. Je l'ai fignolé et mis en page pour vous le présenter. Le théme était "Imaginez que vous (ou un personnage) receviez ou envoyiez une bouteille à la mer, pourquoi, dans quelles circonstances, et ce que contient la bouteille (si c'est une lettre, dire ce que
contient la lettre)
" ...Excusez-moi par avance pour la longueur...



Une bouteille à l'âme hère



Laissez-moi vous raconter l’histoire singulière et bouleversante qui m’est arrivée durant mes dernières vacances estivales.

Je m’étais évadée pour quelques jours dans un petit camping situé au bord d’une plage de Gironde. Tous les soirs depuis mon arrivée, j’allais m’offrir le spectacle du coucher du soleil en longeant les interminables plages que venait lécher doucement de ses vagues l’océan à l’or flamboyant.

Ce soir-là, je marchais pied nus, laissant, de sa respiration régulière, l’eau salée m’engloutir jusqu’au genoux, quand soudain quelque chose vint effleurer mes jambes. Je poussai un petit cri d’effroi et sautai hors de l’eau d’un bond hystérique. En fouillant la surface ondoyante de l’océan ambré, je constatai qu’il ne s’agissait aucunement d’une quelconque nageoire de requin ou autres méduses visqueuses, mais d’un petit objet bariolé dansant dans l’écume. Je le ramassai et découvrit non sans surprise une petite fiole de verre opaque. Quelque chose comme un banal flacon de parfum bon marché. J’eu tout d’abord le reflex de le repousser au large, mais me ravisai ; je ne pouvais décemment pas laisser ce déchet souiller l’océan, quant bien même celui-ci n’était qu’une infime unité des immondices qui la pollue. Je m’encombrai de la bouteille dans l’intention de la jeter une fois de retour au camping et continuai ma promenade, consciente et fière de contribuer à l’assainissement de ma planète…

Mais une fois arrivée à ma tente, il me vint la curiosité de l’ouvrir. Et s’il y avait un message à l’intérieur ? …Oui…oui, je sais, cela n’arrive que dans les films, mais…

J’ouvris donc délicatement le petit flacon et quelle ne fut pas ma surprise en apercevant un petit bout de tissus bleuté qui pointait le bout de son coin par le goulot, comme pour me dire  :
« Ha, enfin ! Sors-moi donc de là ! ». Je tirai sur le petit morceau d’étoffe et un mouchoir tout chiffonné s’étira alors du cou de la fiole. Je le dépliai et découvrit un petit mouchoir d’enfant, avec un petit chien jaune jouant avec un gros ballon rouge. Intriguée, je guignai par le goulot et vit qu’il y avait encore quelque chose, tout chiffonné dans le corps du flacon. Je dépliai une de mes épingles à cheveux et tentai de le faire sortir, mais il était trop gros et je risquais de le déchirer. J’entrepris alors de casser le flacon, impatiente et toute excitée par cette aventure. Quel Robinson allais-je pouvoir libérer de son île ?


Je dépliai le morceau de papier et découvrit ces quelques mots, tracés à l’encre d’une écriture grosse et maladroite :
Inutile de vous dire qu’au fil de cette lecture l’émotion avait remplacé l’excitation et je sentais mon cœur et mes yeux déborder devant le désespoir et la naïveté de cet appel. Qui était Alexia ? Comment retrouver son papa ? Comment lui faire parvenir ce mot ?? Je ne pouvais pas rester sans agir. Je me sentais investi du devoir de tout tenter pour que cette supplication ne reste pas sans suite.

J’eu alors une idée.

Je ne dormis quasiment pas cette nuit-là, trop excitée par cette aventure, et dès la première heure je filai à la réception du camping pour faire une copie du message. Je fis une photo du petit mouchoir bleu et achetai un bocal d’olives. Après en avoir vidé le contenu dans une tasse et nettoyé soigneusement l’intérieur, j’arrachai l’étiquette et y glissai le petit mot d’Alicia et son mouchoir. Puis je filai sur la plage pour le jeter dans l’océan, aussi loin que je le pu.

Qui sait ? Peut-être attendra-t-elle son destinataire ?... Mais pour un peu aider le destin, dès mon retour à la maison je mis sur mon blog la copie de la lettre ainsi que la photo du mouchoir bleu avec son petit chien jaune jouant au ballon, et lançai un appel afin que chacun diffuse ce message à son tour, dans l’espoir qu’un jour, qui sait, les mots de cette malheureuse petite inconnue arrivent jusqu’à son papa…



21.01.2010


...Parce qu'au terme de la lecture de mon texte l'animatrice m'a demandé "c'est du vrai ??"... je précise que non, il n'y a rien de vrai là-dedans, par même le petit mouchoir... ou alors... peut-être, mon inconscient ?.....

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8 novembre 2009 7 08 /11 /novembre /2009 11:20
La brume se glisse entre le bruissement des arbres et ces volutes de coton léger confèrent à la forêt un petit air de mystère.

Je me suis levée avant l'aurore ce matin, pour profiter encore une fois d'une belle matinée d'automne. Alors que toute la maisonnée dormait encore paisiblement, je me suis faufilée hors de ma demeure avec au cœur l'impatience d'une jeune biche courant à travers bois.

Je me glisse sous les arbres en humant les odeurs de bois humide et de résine. Sous mes pas les feuilles décrochées par l'automne croustillent généreusement. Je traverse le sous-bois pour me rendre au petit ruisseau qui dégouline ses perles limpides entre la rocaille. Ce n'est pas vraiment un ruisseau, plutôt un ru timide que les pluies de l'arrière-saison approvisionnent. Je m'assoie sur une souche dont la mousse humide de la rosée matinale imbibera sur mon pantalon son empreinte. Mais cela n'a aucune importance; je sais que c'est là, à cet endroit précis, qu'Elle viendra. Cette Fée en robe de Pyracantha qui sait tant ensorceler mes sens et enchanter mon âme. Elle viendra, comme chaque matin depuis le début de l'automne.

Encore quelques minutes et son mystère « densera » devant mes yeux, empreignant en mon âme un souvenir éblouis, me gorgeant pour les instants creux, de sa Force, de sa Lumière. Comme pour annoncer cet instant de magnificence, une mésange à tête noire entame un chant de gazouillis picotant. Cette ritournelle, ponctuée par quelques notes monotones et nasillardes d'une Sittelle, ajoute du bonheur au bonheur. Délicatement, voluptueusement, la nature se voile d'une aura singulière.

Apparaît alors la féerie…

Je distingue entre les feuillages l’arceau de l'astre du jour qui se lève, colorant l'horizon d'une nitescence rouge vermillon. Le feuillage rouillé par l'automne s'enflamme et murmure sous un souffle léger. L'astre d’Or doucement se réveille et je regarde ainsi avec émerveillement la Terre enfanter d'un jour nouveau. Quelques rais filtrent doucement entre les branches et donnent le ton. Puis c'est l'éclatement. Les premiers cris de soleil percent le ciel orangé de l'aurore. L'étoile du jour jette des flammèches rougeoyantes entre les branches qui viennent colorer en escarbilles les gouttelettes de la rivière. L'eau joue ainsi avec le feu. Complicité d’un instant pour un ballet magique. La forêt se réveille. On entend ça et là des rongeurs qui gratouillent au milieu des feuilles mortes et les oiseaux maintenant déchaînés entament pour le jour naissant l'hymne de la Vie.

N’est-ce pas indécent de s’abandonner ainsi à la contemplation, posée au milieu de cette forêt, alors qu'au loin des souffrances anéantissent des espoirs, des maladies déciment des êtres, des bombes arrachent des vies ? N'est-ce pas indécent de se laisser ainsi enchanter par la Vie alors que tant d'humains, partout, pleurent celle qui leur est détruite, volée, étouffée, massacrée ?

Parfois….parfois, je me sens honteuse de fuir ainsi les ténèbres du monde et les miennes pour me laisser envahir intérieurement par cette lumière simple de la Vie. Abaisser ainsi le Céleste à l’échelon de mes sens pour m’en gorger alors que l’humanité dont je fais partie le méprise chaque jour un peu plus…

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28 octobre 2009 3 28 /10 /octobre /2009 20:26
pour la communauté
"Croqueurs de mots"

 


Écrivez un texte
en utilisant un maximum de mots
qui commençent  
par la lettre "S"

 


Une Saucisse en survêtement, soliloquant seule sur un siège, savourait un sandwich, quand un Salami en salopette, quelque peu schizophrène ceci dit en passant, s'assit à ses côtés. Celui-ci, sans sourciller, s'enquit servilement :


- Salutations, Salami sans soucis. Serait-ce stupide de chercher à savoir ce qui t'amène sur ce siège ?


- La soif et l'appétence, sait-tu (c'est un salami belge…..).  Ce sandwich, sère ami Saucisse, serait-il sans salami ?(il faut préciser qu'en plus d'être belge - non non je n'ai pas dit le pauvre ! - Salami avait un seveux sur la lange, si bien qu'il suçotait sans cesse… )


- Certes, il est sans salami, ni autre viande séchée, ce sandwich. Seulement au saumon, et, s'il te plaît, sans sodium ! ça sublime la silhouette.


- Soit, si ce sandwich est sans salami, l'ami, oui s'il est c'est à dire « sans moi », cela signifie sans incertitude qu'il sera moins savoureux, même s'il est, ceci dit en passant,  certainement plus consommable, s'écria Salami en soupirant. Serait-ce abuser si ze te demandais de m'en céder un substantiel segment ?


- A supposer que j'acquiesce à te sustenter, sauras-tu sincèrement savourer sa saveur ?


- Mais certainement, sère cervelat ! Ce sera pour moi une super responsabilité que de savourer respectueusement et silencieusement ce somptueux segment de sandwich.


Et c'est ainsi que Saucisse et Salami dégustèrent révérencieusement le sandwich  au saumon sans sodium.


Ne soit pas si septique, soigneux liseur, et s'il s'avère que ton chemin un samedi soir s'égare en ces lieu où siègent Saucisse super sportif et l'ami Salamis pas sale pour six sous, soit super discret, afin de respecter somptueusement leur silence scénique et leur savoureuse pitance.

 

- 07.10.2007 -

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21 octobre 2009 3 21 /10 /octobre /2009 10:25

A Jean-Luc

Osez donc un clic sur l'image!

 

 

Gouttant de l’éther

Les couleurs de l’Or saison

Teintent les toisons

De leur oxyde de vers

 

Les brumes s’éploient

Et de leur zèle diaphane

Effleurent les fanes

D’une caresse de froid

 

Un doux miel s’étale

Sur la surface de l’étang
Chaudron d'or fumant

Aux miroitements chrysocales

 

Repoussant l’été

Les rais de novambre

Ador’ patiner

L’onguent des cœurs tendres



Merci Jean-Luc...


Un clique sur la photo vous guidera jusqu'à son original. Pour entrer dans son univers, n'hésitez pas à caresser son présom d'un clic de souris.... ou sinon c'est aussi par  ici

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8 octobre 2009 4 08 /10 /octobre /2009 10:07

Les pinceaux célestes

De la saison brunante

Parent les frondaisons

D’une robe flambante

 

Qu’un souffle du nord fait chanter

 

Fermer les yeux

Et écouter

 


Quelques gouttes d’automne

Glissent entre les feuillages

Et délavent l’éther

De ses restes d’été

 

Fermer les yeux

Et respirer

 


Sous l'arche ambrée des hêtres
Des amants oubliés, oublieux

D’une marche sans hâte

Font rire le sentier

 

Qui gaiement croustille sous leurs pas

 

Fermer les yeux

Et écouter

 


Juste fermer les yeux et respirer

Et respirer, et écouter
La Symphonie du temps qui s’est teint

Des flammes de l’arrière-saison

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23 septembre 2009 3 23 /09 /septembre /2009 19:07

Retour sur ses pas

Pas à pas

 

Et dire

Et dédire

Oser traverser

Le mouroir

 

Retour sur ses pas

Pas à pas

 

Tendre

Une main

Sans attendre

Demain

 

Retour

 

Retour sur ses pas

Repeindre un demain

Main

Dans SA main...

 

La Princeste...

...l’âpre inceste

En fin

Ne règnera plus


Peut (re)naître alors

Simplement


La femme

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15 juillet 2009 3 15 /07 /juillet /2009 08:45

                                          ...ou les mots pour symboles

 



A l’intérieur de la forteresse


  Les petits soldats sont tombés

 

Et la Princeste

 

Poussée à l'extérieur des remparts de l’antre-deux

 

Pour l’au-non-revoir

 

En a perdu les ailes qu’elle avait commencées

 

De broder de fil d’hors

 


 

L’âme à feue et à sans

 

Elle désesPère

 

 

 

______________________

 



En sous-venir


 

©Judith Beuret

 

 


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21 juin 2009 7 21 /06 /juin /2009 21:12

Allongée aux pieds des collines,au milieu des graminés qui exhalent leur semence au travers les douces arabesques d’épis que cadence une brise légère,j'étale ma solitude.

 

Mille rayons coquins s’échappent de l’astre céleste et mordillent ma chair, tandis que le silence rythme le courant des nuages qui s’évadent vers l’est, découpant dans l’azur des esquisses de rêves.

 

Mon âme, que le philtre d’une lisse mélancolie habille d’un tamis de sens, récolte chaque pépite d’hors que la rivière de la Vie charrie en glissant entre les ombres du temps.

 

J’hume à pleines voies les cent heures de chaque seconde

Qui mènent loin de soi

Là où s’apaisent

Nos « et moi »

 

Et je comprends alors que jamais autant qu’en ces instants,

De profond recul

L’on ne peut être plus proche

De Tout.

 

Fusionnée à l’éther des accords du silence,

Je laisse se dérouler

L’évidence en l’écho des Vies denses

 

Je nous regarde et je souris

 

De nous savoir nous croire

Et de nous croire savoir

 

Je nous regarde et je souris

 

De toutes nos confusions

D’entre les sens et l’Essence

D’ntre la faim de toi, contre la fin de soi

D’entre la vie et la Vie


 


Je me regarde et je souris

De me ça voir vivante…

 


 

 

 

 

 

 

Fusionnée à l’éther des accords du silence

Je découvre

Allongée aux pieds des collines

Être de chair et de sans

L’amie

Que j’ai en cette vie

Mission d’accompagner...

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27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 14:50
Je voudrais…

                  Déposé sur mon cœur
                  Comme le miel du bonheur :
                                                                         Votre regard ambré…


                                              Je voudrais…

        Déposés sur mes peurs
        Élytres de sagesse :
                                               Vos effleures de douceur


            Je voudrais…

De vous, être aux milles facettes
Être aux milles scénettes
Personnage en papier
                          masqué


Je voudrais sur ma fleur
Que vous traciez vos heures

Je voudrais
Sur ma fleur
Que vous gommiez mes leurres

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7 mai 2009 4 07 /05 /mai /2009 11:50

Si vous avez vingt minutes à perdre, si vous voulez passer ces vingts minutes à voyager avec moi sur ma poésie, alors je vous invite à revivre avec moi l'instant de cette


                                                                      Rencontre 
                            (texte écrit en août 2008 sous le nom "Au coeur des Landes"
                                                            

                                                                 

 



Nous avons débarqué il y a quatre jours dans ce petit village doux et paisible étalé dans de la forêt landaise. La maison dans laquelle nous séjournons est un magnifique oustaù traditionnel. Entre les poutres de chênes, les briques recouvertes d’un crépis gros grain blanc simule magnifiquement le torchis et confère au bâtiment une authenticité absolument charmante.  Son troisième pan en queue de palombe descend très bas, protégeant la façade des pluies d’ouest, et abrite notre chambre à coucher. Au centre du bâtiment s’épanouit un immense salon où trône une énorme et magnifique cheminée de pierre parfaitement inutile en cette saison.

 

La propriété est immense. Sur le côté ouest du bâtiment s’étend une interminable chênaie qui frémit au moindre souffle. Au sud, une magnifique terrasse est aménagée à côté d’une piscine aux dimensions agréablement déraisonnables. Le soir, alors que nous rentrons de nos diverses escapades dans la région, nous nous y installons avec un petit verre de Clairet de Lisennes, que nous sirotons tranquillement après une baignade rafraîchissante. Au-delà de la piscine, un parc de gazon s'étale sur quelques dizaines de mètres jusqu’à un petit étang bordé de jeunes saules pleureurs. Puis derrière, la chênaie reprend possession des espaces. Quelques canards s’ébattent dans l’eau foncée en cancanant joyeusement. Le matin, alors que nous petit déjeunons sur la terrasse, nous restons des heures à regarder leur théâtre ;  tantôt ils sortent de l’eau à la queue leu leu, s’en allant picorer quelques brindilles ou graines, s’offrant peut-être parfois quelques grillons en dessert. Tantôt, ils se chamaillent, courant en tout sens, finissant par se jeter à nouveau à l’eau. Tantôt, une canne, fière et digne, guide consciencieusement à travers les herbes ses trois petits rejetons jusqu’à l’eau.

 

Et en fin de journée, dans la douceur vespérale, alors que le soleil décline doucement à l’ouest, jetant à travers le feuillage de chêne  mille flammèches d’ambre qui viennent dansotter sur la surface de l’eau, nous restons là, assis sous un pin au coin de la terrasse,  à contempler ce tranquille paysage.

 

Faut-il vous en décrire en davantage pour vous convaincre de la magie du lieu ? Je ne pense pas. Mais ce que je vais vous conter ci-après vous remplira d’un doute légitime, et pourtant…

 

Il nous a été rapporté qu’au crépuscule, parfois, des animaux sauvages viennent s’abreuver à l’étang, ou brouter l’herbe fraîche qui l’entoure. Aussi voici quatre soirs que nous observons silencieusement l’étang dans l’espoir de voir apparaître quelque chevreuil, un renard, ou pourquoi pas, un sanglier, ou encore un cerf. Ce soir, nous nous sommes un peu approchés de l’étang, nous abritant dans la pénombre qu’offre un bosquet de jeunes pins, à quelques mètres de l’eau.

 

Les grillons entament leur dernier concert de la journée. Ils nous racontent avec nostalgie leur déception de ne pas savoir cymbaliser telles les cigales, leurs rivales du sud, pourtant leurs stridulations produisent sur l’âme d’égales vertus apaisantes. Sous un souffle léger l’eau de l’étang, que les canards ont déserté, miroite calmement. Les palmipèdes se dandinent un peu plus loin dans l’herbe folle en caquetant bruyamment.

 

Puis soudain, les grillons et les canards, comme alertés de concert, se taisent brusquement. Un vent chaud mais vigoureux se lève d’un coup, faisant frémir la chênaie qui s’agite follement, produisant un bruit étrange, comme du papier kraft que l’on froisse. Sous le souffle, les saules pleureurs gesticulent au bord de l’étang, comme pour chasser les intrus qui dérangeraient l’enchantement du spectacle à venir.

 

Pressentant une imminente magnificence, j’intime à mon cœur l’ordre de mettre en sourdine ses battements et retiens mon souffle. Au loin dans le sous-bois le craquement d'une branche déchire la litanie du feuillage des chênes. Un renard ?  Un chevreuil ? Nous allons enfin voir apparaître un animal de la forêt, j’en suis à présent convaincue.

 

Un cerf ? Peut-être aurons-nous droit à cette rare aubaine !

 

Tous les sens aux aguets, je prends une grande et silencieuse inspiration et laisse la fragrance humide venant de la forêt envahir mes poumons. Un mélange d’odeurs de bois, d’herbe mouillée, de vase et de résine de pins m’enivre délicieusement.

 

Encore un craquement, et soudain, je l’aperçois. Je distingue un pelage clair glisser entre les troncs des chênes. Une forme étrange, dotée de ce qui me semble être un long cou large. Peut-être bien un cerf. Je fixe l’orée de la forêt, résistant aux clignements d’yeux pour ne rien manquer du spectacle, et mes pupilles commencent à me brûler. Je me suis raidie dans mon transat, et je tends le cou en direction du bois aussi loin que je le peux sans tomber du siège. Le voilà alors qui émerge du bois. Dans la pâle lueur du jour qui s’éteint, sa forme se découpe presque clairement. Je n’en crois pas mes yeux. Je les ferme, longuement, comme pour chasser cette chimérique vision. Lorsque je les ouvre à nouveau, l’animal s’est un peu avancé et il n’est plus qu’à quelques pas de l’eau. Incrédule, je détaille alors sa physionomie. Quatre longues pattes fines et élancées supportent un corps parfaitement sculpté. Son pelage clair comme la praline semble pailleté d’or et scintille sous la pâle clarté vespérale d’une façon totalement magique. Mais ce n’est pas cela qui est le plus prodigieux.

 

Et là lecteur, si tu n’es pas prêt à croire l’incroyable, quitte ces lignes et va-t-en lire quelques fades histoires anodines. Car ce que je vais décrire, à défaut de pouvoir être vérifiée sur-le-champ, doit être cru sur paroles.

 

La partie inférieure de la bête est déjà en elle-même somptueuse. Comme parfaitement ciselée dans un marbre italien, la musculature de l’animal ondule à chaque mouvement sous son pelage soyeux. Puis, vissé sur ce corps parfait, un tronc humain s’érige. Remontant le torse, le pelage disparaît doucement, laissant place à une peau soyeuse et transparente. Sa poitrine,  idéalement sculptée ressemble aux torses des statues grecques et sur un coup épais est posée une tête d’une beauté olympienne. Les traits de son visage semblent avoir été modelés dans une argile céleste par les mains d’une divine déesse. Sous un nez symétrique et harmonieux, sa bouche offre des courbures d’une sensualité exceptionnelle. Des lèvres foncées, ni trop charnues ni trop fines, dessinée par un pinceau de maître. Si les yeux sont les fenêtres de l’âme alors les siens offrent une vue sur un paysage d’une splendeur ineffable, si somptueux que la réduction du langage empêche de le décrire. Les pupilles d’un brun clair comme de l’ambre dansent dans le lac blanc nacre de la sclère. Sa longue et soyeuse chevelure blonde auréole l’harmonie de ce visage et dégouline en ondoyant sur ses robustes épaules telle une rivière d’Or.

 

L’animal, enfin, la créature, s’avance doucement vers l’eau, et tendant ses bras robuste, puise en l’écrin de ses mains d’un geste raffiné une ration d’eau qu’il remonte doucement à sa bouche. 

 

Quelques gouttelettes du liquide transparent s’échappent de leur délicieux récipient charnel et s'écoulent sur le torse de l’être, petites perles de cristal brillantes sous la pâleur des rais du soleil mourant.

 

Je reste là, rigide et statique, stupéfaite et totalement ensorcelée par cette apparition quand soudain l’homme-cerf tourne légèrement sa tête dans ma direction. Le vent a tourné et peut-être a-t-il surpris l’odeur suspecte de notre présence. Tel un pétale d’iris détaché d’une corolle, il dépose alors sur moi son regard mordoré. D’une caresse délicate, il capture mon regard et l’emporte durant quelques instants dans l’univers ambré et chatoyant du sien. Je me laisse couler dans ce miel sucré, enivrée par la suavité qu’il recèle. Une larme s’échappe de mes yeux et chatouille ma joue en traçant son sillage.

 

L’animal alors, comme longeant en équilibriste le fil tendu du regard qui nous uni, s’avance lentement vers moi. Ses gestes sont si graciles qu’il semble plus flotter que marcher. Il est a présent à quelques centimètres de moi. Plus rien d’autre n’existe que sa présence, qui a envahi tout mon être. Il ne semble pas effrayé, mais plutôt complètement intrigué par ma personne, comme si c’était la première fois qu’il voyait un être doté d’un corps inférieur aussi étrange…

 

Dans un geste délicat, il tend sa main vers moi, paume ouverte, les doigts légèrement recourbés. Il n’est maintenant plus qu’à un centimètre de mon visage et je sens la chaleur de sa main embraser ma joue. Je ne sais ce qu’il veut, ni ce qu’il va faire, mais je me sens si apaisée par sa douceur que je ne ressens aucune crainte. Il approche encore de mon visage jusqu’à le toucher. Sa caresse m’envahit d’un torrent de bien-être et je sens mon cœur bondir en ma poitrine, alors qu’en mes entrailles, un volcan éclate. 

 

Je sens son doigt glisser délicatement sur ma peau. Je comprends alors qu’il récupère par ce geste une des  perles que mes yeux distillent.

 

Il retire alors doucement sa main, une petite gouttelette posée sur le bout de son doigt, qu’il observe un instant avec étonnement.

 

Son visage est impassible, invariablement noyé dans la plénitude. Il approche doucement le doigt de son nez et hume ma larme en fermant les yeux, comme pour mieux se concentrer, ou laisser quelque parfum subtil le pénétrer, puis l’approche de sa bouche. Il dépose alors sur sa langue rose le minuscule diamant d’yeux.

 

Son visage semble alors soudain s’ouvrir. Ses yeux m’envoient une rivière de soleil qui dégouline sur mon cœur, arrosant mon jardin intérieur d’une exquise chaleur. Et sa bouche s’éclot alors en un magnifique sourire, découvrant un collier de perles d’une blancheur éblouissante.

 

Puis soudain, dans une volte-face rapide, souple et aérienne il s’éloigne en direction de la forêt sans se retourner. L’obscurité l’avale et il disparaît sans un bruit.

 

Je reste quelques minutes encore absorbée par la délicieuse torpeur dans laquelle m’a plongé cette rencontre. La nuit a à présent tout envahi et la lune a pris le relais du soleil, chamarrant la surface ondoyante de l’étang de sa pâle lumière blanche. 

 

A l’horizon les chênes se découpent en ombres chinoises, scellant leur secret.

 

Réajustant ma réalité avec celle du monde qui m’entoure, je me tourne alors vers mon mari, assis à ma droite sur un transat identique au mien. Je le surprends dans une pudeur toute masculine essuyant l’émotion qui noie ses yeux. Il ne l’avouera jamais, mais parce qu’il y a des choses que l’on ne peut cacher à une femme, je sais que ce soir, il vient également de tomber passionnément amoureux de cet apparition céleste.

 

Je pose ma main sur le bras de mon compagnon  et nous nous sourions, honorant par notre silence le délicieux secret que la forêt vient de nous partager. Un voile de tristesse et de mélancolie embrume un peu mon cœur à l’idée que je ne reverrai certainement jamais ce centaure sylvestre. Mais il restera à jamais en ma mémoire l’empreinte indélébile de cet instant.

 

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Antre ciel ether :

L'ESPACE JEUX 

ou

LES SPASMES JE

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