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Envie de te donner
des choses que je n’ai pas
Et envie de crier
des mots volés au vent,
des mots envolés
depuis si longtemps
Envie de pleurer sur une épaule Une seule…
Je ne suis ni vieille, ni jeune
Je suis entre deux âges, entre deux pages
et l’encre qui s’écoule de mes yeux voilés
glisse dégringole
dans la rigole Du livre ouvert
où pleure
Mon cœur
Entre deux pages
Blanches
Entre deux pages
Accostage agité
A bord d’âges transitoires
Amère
Amerrissage
Au creux des vagues
Entre deux pages Entre deux plages
La mer obscure
Où nagent
S’agitent
Tragique
Des espoirs pélagiques…
Entre deux pages Entre deux orages
Rage
Mon désarroi
Déjà plus « avant »
Pas encore « après »
Juste un trait
Une médiane creuse
Où mon âme erre…
Et tant envie de te donner
Ces choses que je n’ai pas !
Je voudrais m’extirper
De l’entre deux
De l’entre Cieux
Continuer à courir
Continuer à mourir
Recommencer à écrire
Ma vie
Au rythme du temps
Prends-moi
Respires-moi expires-moi
voles- moi
envoles-moi
D’un souffle doux dans mes ailes
Envoles-moi d’un soupir
Envoles-moi d’un sourire
Envoles-moi
d’un souvenir
Je veux m’évader dans les nuages
Pour y boire les images
Qu’ils m’auront inventées
Pour y vivre l’histoire
Qu’ils m’auront dessinée
Je veux… je voudrais tant
M’y envoler d’entre toi D’entre tes bras
Décoller de l’écrin De tes mains
Je voudrais tant…
…mais il faudrait pour cela
que je puisse, avant, m’y poser…
Mais il faudrait pour cela
que je puisse avant, m’y poser
Mais il faudrait pour cela
que je puisse avant, m’y poser
Envie de te donner
des choses que je n’ai pas
Et tant envie…
Tant envie de te prendre
Celles que tu ne possèdes pas…
©Judith Beuret
Si vous avez vingt minutes à perdre, si vous voulez passer ces vingts minutes à voyager avec moi sur ma poésie, alors je vous invite à revivre avec moi l'instant de cette
Rencontre
(texte écrit en août 2008 sous le nom "Au coeur des Landes"
Nous avons débarqué il y a quatre jours dans ce petit village doux et paisible étalé dans de la forêt landaise. La maison dans laquelle nous séjournons est un magnifique oustaù traditionnel. Entre les poutres de chênes, les briques recouvertes d’un crépis gros grain blanc simule magnifiquement le torchis et confère au bâtiment une authenticité absolument charmante. Son troisième pan en queue de palombe descend très bas, protégeant la façade des pluies d’ouest, et abrite notre chambre à coucher. Au centre du bâtiment s’épanouit un immense salon où trône une énorme et magnifique cheminée de pierre parfaitement inutile en cette saison.
La propriété est immense. Sur le côté ouest du bâtiment s’étend une interminable chênaie qui frémit au moindre souffle. Au sud, une magnifique terrasse est aménagée à côté d’une piscine aux dimensions agréablement déraisonnables. Le soir, alors que nous rentrons de nos diverses escapades dans la région, nous nous y installons avec un petit verre de Clairet de Lisennes, que nous sirotons tranquillement après une baignade rafraîchissante. Au-delà de la piscine, un parc de gazon s'étale sur quelques dizaines de mètres jusqu’à un petit étang bordé de jeunes saules pleureurs. Puis derrière, la chênaie reprend possession des espaces. Quelques canards s’ébattent dans l’eau foncée en cancanant joyeusement. Le matin, alors que nous petit déjeunons sur la terrasse, nous restons des heures à regarder leur théâtre ; tantôt ils sortent de l’eau à la queue leu leu, s’en allant picorer quelques brindilles ou graines, s’offrant peut-être parfois quelques grillons en dessert. Tantôt, ils se chamaillent, courant en tout sens, finissant par se jeter à nouveau à l’eau. Tantôt, une canne, fière et digne, guide consciencieusement à travers les herbes ses trois petits rejetons jusqu’à l’eau.
Et en fin de journée, dans la douceur vespérale, alors que le soleil décline doucement à l’ouest, jetant à travers le feuillage de chêne mille flammèches d’ambre qui viennent dansotter sur la surface de l’eau, nous restons là, assis sous un pin au coin de la terrasse, à contempler ce tranquille paysage.
Faut-il vous en décrire en davantage pour vous convaincre de la magie du lieu ? Je ne pense pas. Mais ce que je vais vous conter ci-après vous remplira d’un doute légitime, et pourtant…
Il nous a été rapporté qu’au crépuscule, parfois, des animaux sauvages viennent s’abreuver à l’étang, ou brouter l’herbe fraîche qui l’entoure. Aussi voici quatre soirs que nous observons silencieusement l’étang dans l’espoir de voir apparaître quelque chevreuil, un renard, ou pourquoi pas, un sanglier, ou encore un cerf. Ce soir, nous nous sommes un peu approchés de l’étang, nous abritant dans la pénombre qu’offre un bosquet de jeunes pins, à quelques mètres de l’eau.
Les grillons entament leur dernier concert de la journée. Ils nous racontent avec nostalgie leur déception de ne pas savoir cymbaliser telles les cigales, leurs rivales du sud, pourtant leurs stridulations produisent sur l’âme d’égales vertus apaisantes. Sous un souffle léger l’eau de l’étang, que les canards ont déserté, miroite calmement. Les palmipèdes se dandinent un peu plus loin dans l’herbe folle en caquetant bruyamment.
Puis soudain, les grillons et les canards, comme alertés de concert, se taisent brusquement. Un vent chaud mais vigoureux se lève d’un coup, faisant frémir la chênaie qui s’agite follement, produisant un bruit étrange, comme du papier kraft que l’on froisse. Sous le souffle, les saules pleureurs gesticulent au bord de l’étang, comme pour chasser les intrus qui dérangeraient l’enchantement du spectacle à venir.
Pressentant une imminente magnificence, j’intime à mon cœur l’ordre de mettre en sourdine ses battements et retiens mon souffle. Au loin dans le sous-bois le craquement d'une branche déchire la litanie du feuillage des chênes. Un renard ? Un chevreuil ? Nous allons enfin voir apparaître un animal de la forêt, j’en suis à présent convaincue.
Un cerf ? Peut-être aurons-nous droit à cette rare aubaine !
Tous les sens aux aguets, je prends une grande et silencieuse inspiration et laisse la fragrance humide venant de la forêt envahir mes poumons. Un mélange d’odeurs de bois, d’herbe mouillée, de vase et de résine de pins m’enivre délicieusement.
Encore un craquement, et soudain, je l’aperçois. Je distingue un pelage clair glisser entre les troncs des chênes. Une forme étrange, dotée de ce qui me semble être un long cou large. Peut-être bien un cerf. Je fixe l’orée de la forêt, résistant aux clignements d’yeux pour ne rien manquer du spectacle, et mes pupilles commencent à me brûler. Je me suis raidie dans mon transat, et je tends le cou en direction du bois aussi loin que je le peux sans tomber du siège. Le voilà alors qui émerge du bois. Dans la pâle lueur du jour qui s’éteint, sa forme se découpe presque clairement. Je n’en crois pas mes yeux. Je les ferme, longuement, comme pour chasser cette chimérique vision. Lorsque je les ouvre à nouveau, l’animal s’est un peu avancé et il n’est plus qu’à quelques pas de l’eau. Incrédule, je détaille alors sa physionomie. Quatre longues pattes fines et élancées supportent un corps parfaitement sculpté. Son pelage clair comme la praline semble pailleté d’or et scintille sous la pâle clarté vespérale d’une façon totalement magique. Mais ce n’est pas cela qui est le plus prodigieux.
Et là lecteur, si tu n’es pas prêt à croire l’incroyable, quitte ces lignes et va-t-en lire quelques fades histoires anodines. Car ce que je vais décrire, à défaut de pouvoir être vérifiée sur-le-champ, doit être cru sur paroles.
La partie inférieure de la bête est déjà en elle-même somptueuse. Comme parfaitement ciselée dans un marbre italien, la musculature de l’animal ondule à chaque mouvement sous son pelage soyeux. Puis, vissé sur ce corps parfait, un tronc humain s’érige. Remontant le torse, le pelage disparaît doucement, laissant place à une peau soyeuse et transparente. Sa poitrine, idéalement sculptée ressemble aux torses des statues grecques et sur un coup épais est posée une tête d’une beauté olympienne. Les traits de son visage semblent avoir été modelés dans une argile céleste par les mains d’une divine déesse. Sous un nez symétrique et harmonieux, sa bouche offre des courbures d’une sensualité exceptionnelle. Des lèvres foncées, ni trop charnues ni trop fines, dessinée par un pinceau de maître. Si les yeux sont les fenêtres de l’âme alors les siens offrent une vue sur un paysage d’une splendeur ineffable, si somptueux que la réduction du langage empêche de le décrire. Les pupilles d’un brun clair comme de l’ambre dansent dans le lac blanc nacre de la sclère. Sa longue et soyeuse chevelure blonde auréole l’harmonie de ce visage et dégouline en ondoyant sur ses robustes épaules telle une rivière d’Or.
L’animal, enfin, la créature, s’avance doucement vers l’eau, et tendant ses bras robuste, puise en l’écrin de ses mains d’un geste raffiné une ration d’eau qu’il remonte doucement à sa bouche.
Quelques gouttelettes du liquide transparent s’échappent de leur délicieux récipient charnel et s'écoulent sur le torse de l’être, petites perles de cristal brillantes sous la pâleur des rais du soleil mourant.
Je reste là, rigide et statique, stupéfaite et totalement ensorcelée par cette apparition quand soudain l’homme-cerf tourne légèrement sa tête dans ma direction. Le vent a tourné et peut-être a-t-il surpris l’odeur suspecte de notre présence. Tel un pétale d’iris détaché d’une corolle, il dépose alors sur moi son regard mordoré. D’une caresse délicate, il capture mon regard et l’emporte durant quelques instants dans l’univers ambré et chatoyant du sien. Je me laisse couler dans ce miel sucré, enivrée par la suavité qu’il recèle. Une larme s’échappe de mes yeux et chatouille ma joue en traçant son sillage.
L’animal alors, comme longeant en équilibriste le fil tendu du regard qui nous uni, s’avance lentement vers moi. Ses gestes sont si graciles qu’il semble plus flotter que marcher. Il est a présent à quelques centimètres de moi. Plus rien d’autre n’existe que sa présence, qui a envahi tout mon être. Il ne semble pas effrayé, mais plutôt complètement intrigué par ma personne, comme si c’était la première fois qu’il voyait un être doté d’un corps inférieur aussi étrange…
Dans un geste délicat, il tend sa main vers moi, paume ouverte, les doigts légèrement recourbés. Il n’est maintenant plus qu’à un centimètre de mon visage et je sens la chaleur de sa main embraser ma joue. Je ne sais ce qu’il veut, ni ce qu’il va faire, mais je me sens si apaisée par sa douceur que je ne ressens aucune crainte. Il approche encore de mon visage jusqu’à le toucher. Sa caresse m’envahit d’un torrent de bien-être et je sens mon cœur bondir en ma poitrine, alors qu’en mes entrailles, un volcan éclate.
Je sens son doigt glisser délicatement sur ma peau. Je comprends alors qu’il récupère par ce geste une des perles que mes yeux distillent.
Il retire alors doucement sa main, une petite gouttelette posée sur le bout de son doigt, qu’il observe un instant avec étonnement.
Son visage est impassible, invariablement noyé dans la plénitude. Il approche doucement le doigt de son nez et hume ma larme en fermant les yeux, comme pour mieux se concentrer, ou laisser quelque parfum subtil le pénétrer, puis l’approche de sa bouche. Il dépose alors sur sa langue rose le minuscule diamant d’yeux.
Son visage semble alors soudain s’ouvrir. Ses yeux m’envoient une rivière de soleil qui dégouline sur mon cœur, arrosant mon jardin intérieur d’une exquise chaleur. Et sa bouche s’éclot alors en un magnifique sourire, découvrant un collier de perles d’une blancheur éblouissante.
Puis soudain, dans une volte-face rapide, souple et aérienne il s’éloigne en direction de la forêt sans se retourner. L’obscurité l’avale et il disparaît sans un bruit.
Je reste quelques minutes encore absorbée par la délicieuse torpeur dans laquelle m’a plongé cette rencontre. La nuit a à présent tout envahi et la lune a pris le relais du soleil, chamarrant la surface ondoyante de l’étang de sa pâle lumière blanche.
A l’horizon les chênes se découpent en ombres chinoises, scellant leur secret.
Réajustant ma réalité avec celle du monde qui m’entoure, je me tourne alors vers mon mari, assis à ma droite sur un transat identique au mien. Je le surprends dans une pudeur toute masculine essuyant l’émotion qui noie ses yeux. Il ne l’avouera jamais, mais parce qu’il y a des choses que l’on ne peut cacher à une femme, je sais que ce soir, il vient également de tomber passionnément amoureux de cet apparition céleste.
Je pose ma main sur le bras de mon compagnon et nous nous sourions, honorant par notre silence le délicieux secret que la forêt vient de nous partager. Un voile de tristesse et de mélancolie embrume un peu mon cœur à l’idée que je ne reverrai certainement jamais ce centaure sylvestre. Mais il restera à jamais en ma mémoire l’empreinte indélébile de cet instant.
Je poserai mon cœur
Pour qu’à l’aube venue
Tu l’évades en silence
Le long des rayons d’hors
D'un ruban de soleil
...sur ton épaule…
Quand dans la nuit des jours
Le soc des ombres poupres
Creusera dans tes yeux
Les tranchées du tourment
J’épouserai tes peurs
J'épongerai tes pleurs
...quand dans la nuit des jours…
Sur ton épaule
Quand dans la nuit des jours
Ou au plein jour des nuits
Nos âmes mélangées
Chanteront l’éphémère
Amour
Le sablier d’éther
Écoulera pour nous
Sa douce éthernité...
De ses doigts d’ambre
Phébus tend entre les fentes
Des volets clos de ma petite chambre
Quelques cordes d’Or ardentes
Sur lesquelles mon âme
Encore ankylosée de sommeil
Compose la mélodie silencieuse
D’un rêve éveillé, émerveillé
Et l’azur se teint de vers
Et l’amer
S’emplit de roses
Hypnose
Avec les cheveux flavescents
De l’astre de lumière
Mon âme chimère
Tricote un concert
Dont tu es le tempo
Les accords, les intenses
Les dolce…
….les silences…
De ses doigts d’ange
Phébus tend entre les fentes
Des volets clos de mon cœur
Quelques rubans de douceur
Musique : Olivier Shanti
Lecture : Esperiidae...