Quelques pas dans la brume qui danse sous le souffle de mon passage. Le chemin de galets est devenu chemin de sable. J’entends au loin une mer respirer.
Quelques pas encore et le frima efface tout à fait la forêt d’alênes, et je ne puis dire si elle m’entoure encore, derrière son voile, si elle surveille encore mes pas, ou si ces sentinelles dévoyées, haie d’horreur, se sont retirées pour de bon.
La mésange, peut-être sur sa branche, chante mon nom. Peut-être. Je ne sais pas. Moi en tout les cas je ne l’entends plus. Mais cela veut-il dire qu’elle ne chante plus ?
Le sable avale mes pieds. Il faut que j’avance. Il faut que j’avance mais je ne peux pas. La brume partout, alentour du décor, à l’envers de mon corps, partout, efface tout. Efface jusqu’à ma volonté.
Où est Mesduse ? Ce compagnon maudit, mon roc. Il manque soudain à ma vue, ce rivage de pierre, et je ne sais plus où aller. Je m’affole, je supplie. Prends ma main à nouveau Mesduse, prends ma main et guide-moi vers quelque torrent de sang, ou vers quelque chute d’air !
Je crie, fends la brume de gestes misérables, tends mes mains mélangées de chair et de pierre. Mais il ne répond pas. Et le sable mange à présent mes genoux. La brume m’étouffe et je perds inconscience…
Derrière la fenêtre close, la couverture de la nuit recouvre et encourage au sommeil le village qui s’apaise doucement. Quelques cheminées expirent encore ça et là de minces filaments blanchâtres que la obscurité avale aussitôt. Tout au loin dans les recoins de la nuit, un loup hurle.
Je ne sais plus ce que je veux. La mésange ne m’appelle plus. Peut-être bien, n’est-elle-même plus dans sa branche. Peut-être Mesduse l’a-t-elle corrompue, de son chant de pierre, comme il corrompt ma raison en cet instant, ensorcelle mon esprit et l’attire, soutenu d’une complainte grincée de luth...
Le gros œil du néant me happe, je ne lui résiste pas. Il faut que je m’y engouffre, que je m’y sauve… car quelque part, dans l’envers du décor, la rencontre de la brume et d’une main senestre vire au pugilat…