Tout au Ponant, ultimes lambeaux de terre arrachés aux côtes d’ouest, Ouessant. Éclat de roc cri de terre résiste et déchire l’océan et tend sa pince comme pour mieux tenter d’attraper les vagues qui l’assaillent. Tout autour, la mer. Immensité si seule.
S’aventurer tout à l’ouest du Ponant dépasser Créac’h, Hercule en camisole de bagnard sentinelle des marins qui déchire la brume de hurlements sinistres et caverneux et casse la nuit d’un tempo d’éclairs puissants. Dépasser les ruines de la Villa des Tempêtes maltraitée tourmentée anéantie par les bourrasques violentes et les toupilles de brume qui dansent – et denses - ici comme nulle part ailleurs. « Qui voit Ouessant voit son sang ».
Au loin, Nividic se dresse, ultime avertissement pour les marins égarés. La mer y rage sur les écueils comme une désespérée. Désespoir d’une immensité si seule. Si seule. Perdue dans son amplitude isolée de n’être que flots mouvants inconsistance qui avale tout. Poser son pied sur elle elle l’englouti aussitôt. Caresser ses flots elle happe les doigts d'un éclair d'écume. Tout effleurement déchire son miroir et l'être coule s’évanoui disparait dans son néant. Si seule puissance factice impuissante à prendre la main qui se tend pour la sauver, incapable d’empêcher sa nature d’avaler l’être qui dresse son bras en appel puis sombre en ses abysses. Incapable de le porter, de le supporter tout au plus peut-être le rapporter, tout au plus capable par de grands soupirs de l’échouer sur une terre.
De ces soupirs la mer en a tant. D’incessants élans elle tente de caresser la terre mais s’écorche sur les roches rugueuses puis d’un reniflement bruyant se retire avant de tenter un nouvel assaut gonflé de rage avec comme identique puissance la haine que le désespoir sustente. Mais inexorablement la pierre la déchire la déchiquette l’expulse en de grandes gerbes de bave salines. Quelques restes de sanglots chatouillent doucement la peau rêche de l’écueil, parodie de caresses éphémères la terre dégoûtée la vomit par tous ses pores la recrache par toutes ses failles.
Tout au bout du bout du monde île Ouessant livre un combat singulier avec la mer sauvagerie de fauves sans barbarie juste la vie brute à son pinacle.
« Qui voit Ouessant voit son sang »